Article national : Parce que le FN n’est pas un parti comme les autres

Parce que pour moi aussi, le Front National n’est pas un parti comme les autres, des extraits de l’article d’Edwy Plenel qui dit les choses qu’il faut.

Le vrai barrage au Front national
Par Edwy Plenel
Mediapart.

« Qu’est-ce que l’extrême droite, sous toutes latitudes, dans toute culture et à toute époque ? Une force politique dont le credo tient en trois mots : inégalité, identité, autorité.

L’inégalité est au cœur de son idéologie antidémocratique, dont le discours identitaire sera le cheval de Troie, par la désignation de boucs émissaires, leur stigmatisation ou leur exclusion, tandis que l’autoritarisme en sera l’instrument pratique, par la régression des libertés individuelles et collectives. En ce sens, depuis son émergence moderne en France à la fin du XIXe siècle, cette famille intellectuelle et politique est l’adversaire historique des idéaux portés par la première République française, issue de la déclaration de 1789.
Quand les droits de l’homme professent que nous naissons libres et égaux en droits, sans distinction d’origine, de sexe, de croyance ou d’apparence, ayant toutes et tous le droit d’avoir des droits, d’en revendiquer, d’en conquérir et d’en inventer, l’extrême droite s’arc-boute sur l’inégalité naturelle. Hiérarchie des sexes, des conditions, des cultures, des nations, des religions, des civilisations, des couleurs de peau : sa pédagogie est de domination, d’oppression et d’exclusion d’humanités stigmatisées, essentialisées et déniées, par d’autres humanités privilégiées, promues et protégées.

Il suffit de ce rappel, que n’a cessé de documenter le travail d’information de Mediapart sur le Front national, son idéologie comme sa pratique (lire notamment les articles de Marine Turchi), pour prendre la mesure de l’enjeu politique des élections régionales. Aucun républicain véritable, c’est-à-dire soucieux de vitalité démocratique et d’exigence sociale, ne peut rester indifférent à la possibilité que l’extrême droite conquière le pouvoir d’administrer des régions françaises, avec leurs compétences étendues dont l’impact sur nos vies quotidiennes n’est aucunement négligeable.

Est-il besoin de souligner que celles-ci incluent la gestion des lycées, des transports, de la formation professionnelle, du patrimoine culturel, de l’aménagement du territoire, du développement durable, des aides aux entreprises, bref d’une grande part des infrastructures qui font le tissu aussi bien éducatif, social, économique, culturel d’une région. Par conséquent, aucun démocrate sincère ne saurait se résoudre à jouer avec le feu, dans l’espoir incertain que l’expérience gestionnaire suffira à discréditer une force politique qui a pour cible la devise républicaine elle-même, en son ressort essentiel, l’égalité.

Qu’il faille y faire barrage est donc une évidence. Et que le bulletin de vote en soit un des moyens en est une autre. Mais ce ne peut être qu’une réponse momentanée et, surtout, fragile. Elle ne sera durable qu’à la condition d’appeler une politique qui ne fasse plus le jeu de l’extrême droite, de son agenda idéologique et de sa politique concrète. Et c’est alors que tout se complique et se brouille tant, depuis trente ans, l’ascension du Front national a été favorisée, sinon produite, par les renoncements ou les compromissions d’une droite qui s’extrémise et d’une gauche qui se droitise, délaissant toutes deux cette altérité véritable qu’aurait été l’actualisation dynamique de la promesse républicaine(…)

Nicolas Sarkozy à droite, Manuel Valls à gauche sont les symboles de cette dérive qui, loin d’avoir fait barrage à la menace, lui a donné droit de cité, épousant ses obsessions, validant ses thématiques (…) partageant jusqu’à ses obsessions stigmatisantes vis-à-vis de ceux de nos compatriotes qui, par leur croyance, leur culture ou leur origine, ont en commun ce mot diabolisé : l’islam.

(…) Aussi, tout en refusant de jouer la politique du pire, nous refusons-nous à ce que nos voix soient prises en otage de leurs manœuvres cyniques qui, en exploitant tactiquement la menace d’extrême droite, continuent d’en faire le jeu et le lit. Faire barrage durablement à l’extrême droite suppose une autre politique qui, au lieu de surenchérir sur les thématiques inégalitaires, identitaires et autoritaires du Front national, lui oppose l’imaginaire conquérant, actif et concret, d’une République fidèle à sa promesse de liberté, à son exigence d’égalité et à son souci de fraternité.

Nous sommes aujourd’hui loin du compte, et ce n’est pas avec ceux qui nous ont conduits dans cette impasse que nous tracerons ce chemin du sursaut. C’est pourquoi il nous revient à toutes et tous, dans notre quotidien, là où nous vivons, travaillons, habitons, au plus près du réel, de ses urgences sociales et de ses nécessités démocratiques, d’inventer cette République des causes communes, portée par une France arc-en-ciel, faisant droit à toutes les conditions, origines, cultures, croyances et apparences. Une République qui en disant « non » à l’extrême droite construise le « nous » de l’égalité. »

EDWY PLENEL
Mediapart le 12 décembre 2015

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *